1 - Courbe de croissance
Les cellules bactériennes sont capables de se multiplier dans des milieux de culture liquides ou sur milieux solides artificiels, dans des conditions physico-chimiques approchant les conditions de leur écosystème naturel. Cependant, certaines espèces bactériennes ne sont pas cultivables sur milieux artificiels
Le mécanisme général de la croissance bactérienne, étudiée par culture in vitro, est celui du remplacement d'une cellule mère par deux cellules filles identiques. À chaque division, il y a donc un doublement de la population bactérienne, et cela se produit avec une périodicité constante pour chaque espèce bactérienne dans un milieu de culture donné. Ce temps de génération peut aller de quelques minutes pour des bactéries à croissance rapide - ensemencées dans des milieux riches convenablement aérés.
Le développement d'une culture microbienne est habituellement représenté à l'aide d'un graphique donnant le nombre de bactéries ou mieux le logarithme de ce nombre en fonction du temps. C'est la courbe de croissance. Elle rend compte du cours de développement de la culture considérée. Celui-ci reflète l'interaction de la population bactérienne en voie de croissance et du milieu.
Après inoculation du milieu, quatre phases principales se distinguent dans toute courbe de croissance (fig. 1) :
Figure 1 - Courbe de croissance généralisée d'une culture bactérienne (D'après STANIER, DOUDOROFF, ADELBERG, 1966)
PHASE DE LATENCE: Pendant cette période le taux de croissance est nul puis augmente légèrement. Elle traduit l'adaptation des bactéries au milieu. Elle est sous l'influence de plusieurs facteurs :
·les conditions physico-chimiques du milieu : pH, température…
·les caractères propres des bactéries notamment leur état physiologique,
·la composition du milieu. Lorsque la population bactérienne ne trouve pas dans le milieu les facteurs de croissance indispensables, elle est incapable de se développer. La croissance ne peut alors débuter que si l'inoculum contient des cellules mutantes, c'est-à-dire présentant brusquement une modification d'un caractère transmissible héréditairement.
Selon ces facteurs, la phase de latence peut être plus ou moins longue : de deux à trois heures à plusieurs jours.
PHASE EXPONENTIONNELLE OU LOGARITHMIQUE: Ici, les bactéries se multiplient sans entrave ; le taux de croissance est maximum et constant, c'est-à-dire que le taux de génération est minimum. Ce taux est caractéristique d'un microorganisme donné qui est lui-même sous la dépendance des conditions d'environnement comme la nature et la concentration des nutriments, le pH et la température. Ces facteurs ont une grande influence. C'est ainsi que pour Escherichia Coli le taux de croissance est de 0,5 à 18°C et de 3, 3 à 40°C. Dans le cas des bactéries thermophiles, la pente de la droite représentant la phase exponentielle est habituellement plus forte que pour les mésophiles et plus faible pour les psychrophiles et les psychrotrophes.
La croissance exponentielle est d'assez courte durée (quelques heures). Elle est limitée par l'apaisement du milieu en nutriments ou par l'accumulation de produits du métabolisme devenant toxiques au-delà d'une certaine concentration.
Il est évident que la phase exponentielle de croissance d'une cellule ne peut être maintenue de façon continuelle. Si tel était le cas, une seule bactérie ayant un temps de génération de vingt minutes donnerait en quarante huit heures une descendance dont la masse totale serait approximativement quatre mille fois plus grande que celle de la terre !
PHASE STATIONNAIRE MAXIMALE: Le milieu devenant de moins en moins favorable à la croissance, le nombre de cellules viables reste constant à sa valeur maximale, généralement pendant quelques heures ou même quelques jours. Ce phénomène traduit un équilibre entre le nombre de bactéries provenant de la multiplication et le nombre de celles qui meurent. Il peut aussi indiquer la persistance de bactéries vivantes en l'absence de toute multiplication. Il peut avoir plusieurs causes : épuisement en nutriments, accumulation de déchets toxiques, conditions d'environnement devenant défavorables (pH, température…).
PHASE DE DÉCROISSANCE OU DE DÉCLIN: Pendant cette dernière phase les bactéries ne se reproduisent plus. Beaucoup d'entre elles meurent et sont décomposées plus ou moins rapidement par les enzymes libérées au moment de leur mort. Ce processus d'autodigestion constitue l'autolyse. Le taux de mortalité peut être constant comme le taux de croissance. Il est alors représenté par une droite, le nombre de cellules étant proportionnel au temps. La pente de cette droite dépend de l'espace bactérienne ainsi que des conditions de l'environnement.
Cependant, il peut se produire assez fréquemment des déviations de l'ordre exponentiel de déclin en raison de divers degrés de résistance des cellules. Dans certains cas aussi des bactéries peuvent survivre et se multiplier aux dépens des nutriments libérés par la décomposition des autres cellules.
2 - Sources d'énergie
Les bactéries puisent dans leur milieu nutritif les substrats à partir desquels elles synthétisent leurs propres constituants. Cette synthèse s'effectue à partir de monomères précurseurs, les métabolites essentiels, auxquels s'ajoutent des vitamines et des molécules résultant de l'activité externe des exoenzymes bactériennes. L'apport énergétique nécessaire à la construction des macromolécules, à partir des monomères précurseurs, se fait par l'adénosine triphosphate (ATP) synthétisée par la bactérie. Selon les groupes bactériens, différentes sources d'énergie et de substrats carbonés sont utilisées, définissant le type trophique de la bactérie. Les bactéries et cyanobactéries capables d'utiliser l'énergie lumineuse sont les bactéries phototrophes.
Les bactéries chimiotrophes puisent leur énergie à partir de composés minéraux ou organiques. Elles utilisent des donneurs et des accepteurs d'électrons. Elle utilisent les produits de l'oxydation de composés organiques, par métabolisme aérobie ou anaérobie. Ce dernier type trophique est le plus commun dans le monde bactérien comme dans la majorité des cellules eucaryotes. Les bactéries parasites intracellulaires obligatoires, incapables de croître en dehors de la cellule hôte, ont un type trophique désigné sous le nom de paratrophie
3 - Sources de carbone
Le carbone est l'un des éléments les plus abondants de la bactérie. Le plus
simple des composés est l'anhydride carbonique ou CO2. Celui-ci peut être
utilisé par la bactérie pour la synthèse de certains métabolites essentiels qui
ferait intervenir une réaction de carboxylation.Les sources de carbone sont très
variées. Certaines bactéries, photo- ou chimio-lithotrophes notamment, utilisent
directement le carbone du gaz carbonique sans que la présence de matière
organique préformée soit nécessaire à leur croissance ; on les dit autotrophes.
Certaines sont strictement autotrophes et leur croissance peut même être inhibée
en présence de matière organique préformée. Pour d'autres bactéries, au
contraire, la présence de matière organique est indispensable à la croissance :
ce sont les bactéries hétérotrophes. C'est le cas notamment des bactéries
photo- et chimio-organotrophes. La complexité des substrats organiques
indispensables à la croissance de ces bactéries hétérotrophes est variable. Les
bactéries prototrophes croissent en présence de composés simples tels qu'un
sucre ou un acide organique qui serviront de matière première pour l'ensemble
des synthèses cellulaires. Les bactéries auxotrophes, au contraire, ont besoin
que le milieu de croissance contienne déjà des constituants préformés qu'elles
seraient incapables de synthétiser.
Le CO2 est la seule source de carbone pour les bactéries autotrophes. Les
bactéries hétérotrophes utilisent facultativement le CO2. Les bactéries
hétérotrophes dégradent une grande quantité de substances hydrocarbonées
(alcool, acide acétique, acide lactique, polysaccharides, sucres divers).
4 - Sources d'azote et besoins en soufre
Les bactéries ont besoin de substances azotées pour synthétiser leurs
protéines. La provenance de cet azote peut se faire par fixation directe de
l'azote atmosphérique ou par incorporation de composés azotés (réactions de
désamination, de transamination).Les besoins en azote des bactéries sont
généralement assurés par les produits de dégradation des substrats organiques
sous forme ammoniacale. Quelques espèces sont capables de fixer directement
l'azote de l'air ou d'assimiler les nitrates et les nitrites ; elles jouent un
rôle très important en agronomie et sont étudiées d'une façon intensive, en vue
d'améliorer, grâce à leur utilisation éventuelle, le rendement de croissance des
végétaux. D'autres espèces bactériennes, au contraire, sont totalement
incapables de synthétiser les substances azotées indispensables à leur
structure, et leur croissance exige l'apport, dans les milieux de culture, de
substrats préformés tels que des acides aminés (bactéries auxotrophes).
Le soufre est incorporé par les bactéries sous forme de sulfate ou de
composés soufrés organiques.
5 - Conditions physico-chimiques de la croissance
a - Effet de l'oxygène
Il existe plusieurs classes de bactéries en fonction de leurs rapports avec l'oxygène.
1 - Les bactéries aérobies strictes ne se développent qu'en présence
d'air. Leur source principale d'énergie est la respiration. L'oxygène
moléculaire, ultime accepteur d'électron, est réduit en eau (Pseudomonas,
Acinetobacter, Neisseria).
2 - Les bactéries microaérophiles se développent mieux ou exclusivement lorsque
la pression partielle d'oxygène est inférieure à celle de l'air (Campylobacter,
Mycobacteriaceae).
3 - Les bactéries aéro-anaérobies facultatives se développent avec ou sans air.
C'est le cas de la majorité des bactéries rencontrées en pathologie médicale :
les entérobactéries (Escherichia, Salmonella), les streptocoques,
les staphylocoques. L'énergie provient de l'oxydation des substrats et de la
voie fermentaire.
4 - Les bactéries anaérobies strictes ne se développent qu'en absence totale ou presque d'oxygène qui est le plus souvent toxique. Ces bactéries doivent se cultiver sous atmosphère réductrice. La totalité de l'énergie est produite par fermentation.
b - Effet de la température
Les bactéries peuvent être classées selon leur température optimale de
croissance.
- Bactéries mésophiles (Ex. : Escherichia coli) : température de
croissance proche de celle du corps humain (37°C)
- Bactéries thermophiles (Ex. : Thermus aquaticus) : températures de
croissance comprises entre 45°C et 70°C.
- Bactéries hyperthermophiles (Ex. : Archaea) : températures de
croissance supérieures à 80°C.
- Bactéries psychrophiles (Ex. :) : Températures proches de 0°C (optimum à
10-15°C).
- Bactéries psychrotrophes (Ex. : Pseudomonas) : températures de
croissance proches de 0°C avec optimum de croissance proche des bactéries
mésophiles.
La plupart des cultures bactériennes sont effectuées à 37°C par analogie avec la température centrale des mammifères, à cause, sans doute, des coutumes acquises en bactériologie médicale pour l'isolement de bactéries pathogènes à partir des prélèvements humains ou animaux, à la température desquels elles sont supposées s'être adaptées. Cependant, certaines bactéries ne se comportent qu'occasionnellement comme des parasites des organismes supérieurs (infections à bactéries « opportunistes »), et leurs conditions de vie habituelles dans le milieu extérieur leur confèrent une adaptation soit à des températures inférieures à 30 0C (bactéries psychrophiles), soit à des températures de l'ordre de 40 à 45 0C (bactéries thermophiles). La majorité des bactéries tolère une échelle de températures comprises entre 20 et 45 0C : ce sont les bactéries mésophiles. La température, paramètre sélectif pour la croissance des bactéries, conditionne la prolifération exclusive de certaines espèces dans un biotope donné ; ainsi, les bactéries thermophiles seront abondantes dans les sources chaudes ou dans des bains de refroidissement de centrales thermiques ou thermo-nucléaires. Certaines bactéries psychrophiles posent des problèmes majeurs et de plus en plus fréquents en microbiologie alimentaire, du fait de la généralisation des procédés de stockage des denrées au réfrigérateur. Le stockage risque d'entraîner la prolifération d'espèces pathogènes pour l'homme, essentiellement des bactéries Gram négatives, capables de se multiplier à + 4 0C, alors que la plupart des bactéries contaminantes habituelles des aliments sont mésophiles et ont un métabolisme inhibé à basse température.
c -
Effet du pH
Les bactéries sont généralement tolérantes à des variations de pH entre
6 et 9, grâce à la régulation exercée par leur membrane cytoplasmique à
l'encontre des ions H+. Dans les cultures en milieux non tamponnés, les alcalins
libérés à partir notamment des réactions de décarboxylation des acides aminés ou
les acides libérés par dégradation des carbohydrates peuvent modifier le pH dans
des conditions telles que le milieu devient toxique pour les bactéries.
Les bactéries pathogènes ou liées à l'écosystème
humain se développent le plus souvent dans des milieux neutres ou légèrement
alcalins.
On distingue les bactéries:
- neutrophiles qui se développent pour des pH sont compris entre 5,5 et 8,5 avec
un optimum voisin de 7. La plupart des bactéries médicalement importantes sont
ainsi.
-
alcalophiles qui préfèrent les pH alcalins: cas de Pseudomonas et
Vibrio, donc milieux de culture particuliers
- acidophiles qui se multiplient mieux dans des milieux acides : cas des
Lactobacillus.
d - Effet de l'eau libre
La disponibilité de l'eau présente dans l'atmosphère ou dans une substance
intervient dans la croissance bactérienne. L'activité de l'eau (Aw) est
inversement proportionnelle à la pression osmotique d'un composé. Ainsi, elle
est affectée par la présence plus ou moins importante de sels ou de sucres
dissous dans l'eau.
- Présence de sels : Les bactéries halophiles nécessitent du sel (NaCl) pour
leur croissance. Cette concentration peut varier de 1-6% pour les faiblement
halophiles jusque 15-30% pour les bactéries halophiles extrêmes (Halobacterium).
Les bactéries halotolérantes acceptent des concentrations modérées de sels mais
non obligatoires pour leur croissance (Ex. : Staphylococcus aureus).
- Présence de sucres : Les bactéries osmophiles nécessitent des sucres pour leur
croissance. Celles osmotolérantes acceptent des concentrations modérées de
sucres mais non obligatoires pour leur croissance. Enfin les bactéries
xérophiles peuvent se multiplier en l'absence d'eau dans leur environnement.
6 - Cinétique de la croissance
Pour une population microbienne homogène (c'est-à-dire où tous les individus sont pratiquement identiques sur le plan génétique et physiologique) qui se développe en milieu liquide dans des conditions idéales ( température, oxygène, teneur en CO2, concentrations des éléments nutritifs, pH, etc....) le nombre de cellule ainsi que la masse cellulaire double à chaque génération.
La croissance d'une bactérie peut être définie par deux constantes :
- le temps de génération, c'est-à-dire l'intervalle de temps entre deux divisions successives ou celui nécessaire au doublement de la population. En partant d'une cellule bactérienne unique, ce dernier se fait selon une progression géométrique. Dans une population bactérienne toutes les cellules ne se développent pas au même rythme. Le temps de génération varie avec l'espèce considérée et les conditions de culture.
- le taux de croissance est le nombre de division par unité de temps. Autrement dit, il est l'inverse du temps de génération.
Si par exemple le temps de génération est de 20 minutes, en une heure le taux de croissance est de 3.
Si la concentration initiale est X0 au temps t0 , par doublement successif elle devient:
au temps t1, après 1 doublement X1 = X0 * 21
au temps t2, après 2 doublements X2 = X0 * 22
...
au temps tn, après n doublements Xn = X0 * 2n (1)
Si l'on pose K (constante de vitesse de croissance) = le nombre de dédoublement par unité de temps, on a:
n = k * (tn - t0)
Si l'on pose t0 = 0 , alors n = k * t
L'équation (1) devient alors:
Xn = X0 * 2kt
Graphiquement ont obtient une courbe exponentielle (ici pour X0 = 1):
Sous forme de logarithmes on obtient une droite dont la pente est proportionnelle à la vitesse de croissance:
Instruction: - rester appuyer sur le bouton droit dans la fenêtre de la courbe pour déplacer la courbe à volonté.
On peut également interpréter la cinétique de la croissance des bactéries à l'aide des suites:
On sait que à chaque génération la population bactérienne se multiplie par deux:
U1 = 2U2
U2 = 2U3
...
Un = 2Un-1
Donc U1 * U2 * U3 ........* Un = 2U0 * 2U1 * 2U2 ........* 2Un-1
Par simplification on obtient: Un = U0 * 2n
La traduction graphique de cette suite est :
En vert y = 2x ( car Un+1 = 2Un )
En noir y = x ( pour reporter le résultat trouvé sur l'axe des ordonnées sur l'axe des abscisses )
C'est ce qu'on appelle une courbe en escalier. On peut lire l'instant tn seulement si on connaît tn-1 .